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Quand le décalage de libido menace le couple

Dernière mise à jour : 20 mai 2023

Le décalage de libido est une situation très commune dans les relations. Il se produit lorsque les besoins sexuels d'un partenaire diffèrent de ceux de l'autre.

Pourtant, en observant la clinique en sexologie, on se rend vite compte que tous les couples ne vivent pas ce décalage de la même manière : dans certaines relations, cette différence semble mener à énormément de frustrations ou de conflits, alors que d’autres couples s’en accommodent très bien et parviennent à s’épanouir avec cette différence de fonctionnement.

Pourquoi certains couples vivent-ils mieux cette différence de fonctionnement que d’autres ? Comment apprendre à mieux naviguer les périodes dans lesquelles notre désir n’est pas accordé ?


Les 4 schémas dans le décalage de désir


Les schémas de l'écart de libido dans le couple

Le schéma équilibré :


C’est le schéma des couples qui vivent bien leur décalage de libido. Même si les envies des partenaires sont différentes, ils arrivent à parler ouvertement de leurs désirs sexuels, dans un climat de confiance et d’acceptation. La personne qui a plus de libido a mis en place des stratégies pour mieux vivre sa frustration sans exercer une pression sur son/sa partenaire. La personne qui a moins de libido est dans une posture rassurante et montre à son/sa partenaire qu’il/elle est toujours attirant·e à ses yeux.

Les deux partenaires s’impliquent pour maintenir une connexion, une forte intimité et de la sensualité.


Le schéma distant :


Les couples dans ce schéma sont caractérisés par une perte d’intimité, qui dépasse bien souvent la sphère de la sexualité. Les partenaires ont tendance à s'éloigner et à éviter de parler de leurs envies sexuelles. Le sujet devient tabou, ce qui renforce le sentiment d’isolement des deux membres du couple.

Chaque personne a l’impression de se battre seul·e avec ses questionnements et ses difficultés.


Très souvent, la personne qui a le plus de désir a tellement peur de revivre des rejets qu’elle n’approche plus son/sa partenaire, et s’empêche de lui exprimer toute forme de désir sexuel. Cette coupure dans la communication est généralement le reflet d'une grande souffrance intérieure. Elle peut se sentir rejetée, ou avoir l'impression que ses envies sexuelles sont illégitimes.


Elle peut penser des choses comme :

« J’aimerais que mon/ma partenaire soit plus présent·e dans la relation, mais je ne sais pas comment lui exprimer sans le/la faire fuir, je me sens bloqué·e. »
« Dès que je lui propose quelque chose, il/elle refuse. Tous ces rejets me font souffrir, je ferais mieux d’arrêter d’exprimer mes envies, au moins, je ne serai plus blessé·e."
« Il/elle ne s’intéresse pas vraiment à moi. »

La personne qui a moins de désir, elle, peut avoir peur que les moments de proximité physique se transforment en sexualité. Elle se met donc à rejeter - non pas simplement la sexualité - mais toute forme de contact physique trop rapproché. On peut trouver des comportements de fuite de l’intimité, comme éviter de se coucher à la même heure, ne pas autoriser une trop grande proximité physique, fuir les discussions liées à la sexualité, etc.


Elle peut se dire des choses comme :

« J’aimerais qu’il/elle comprenne que mon désir sexuel n’a rien à voir avec mon amour et mon attirance. »
« Je n’aime pas quand on parle de sexualité, ça me met mal à l’aise, je préfère éviter le sujet. »
« Tant qu’on n’est pas trop proches physiquement, je n’ai pas à dire “non”… Je vais donc éviter les contacts physiques, ça règlera le problème. »

⇒ À terme, ce type de schéma met à mal l’intimité et le sentiment de connexion du couple. Les partenaires risquent de ne plus se sentir suffisamment nourris dans leur besoin de connexion, et la relation peut s’appauvrir considérablement. Les non-dits s’accumulent et la communication peut s’étioler.


Le schéma envahissant :


Dans le schéma envahissant, la personne qui a le plus de libido cherche à combler cette différence en poussant son ou sa partenaire à avoir plus de sexe.


Dans certains cas, sa confiance en elle est fortement affectée : elle peut se sentir mal-aimée, seule, peu désirée, frustrée, en colère ou rejetée. Elle peut alors avoir le sentiment que seul le retour du désir de son ou sa partenaire l’aidera à se sentir à nouveau bien et en confiance dans la relation, et fait tout pour essayer de raviver le désir de l’autre (ce qui conduit généralement à renforcer sa souffrance lorsqu'elle reçoit un refus). Dans certains, cas elle peut se montrer insistante ou faire des demandes répétées.


En pratique, elle peut penser des choses comme :

« Pourquoi n’a-t-il/elle pas envie de moi ? Est-ce que c’est parce que je ne suis pas assez attirant·e ? »
« Je sais que je dois respecter les limites de mon/ma partenaire. Mais j’ai vraiment besoin de sexe. Si je ne peux pas avoir ce dont j’ai besoin dans ma relation, pourquoi rester ? »
« Est-ce qu’il/elle n’a pas envie par manque d’amour pour moi ? »
« Je me sens tellement frustré·e par cette situation. »

De l’autre côté, la personne avec le désir sexuel moins élevé peut se sentir envahie ou étouffée, ce qui conduit presque toujours à diminuer encore plus son désir sexuel. Ces émotions peuvent être mélangées avec une forme de culpabilité à ne pas répondre aux demandes de son/sa partenaire. Elle peut alors se mettre à partager de la sexualité "par devoir" (sans forcément le dire à son ou sa partenaire), ou compter les jours entre les rapports.

« Je me sens étouffé·e par mon/ma partenaire. J’ai l’impression qu’il/elle ne s’intéresse à moi que pour le sexe. »
« Je devrais faire des efforts pour répondre à ses besoins, mais je me sens bloqué·e pour aller vers lui/elle. »
« J’aimerais qu’il/elle comprenne que je n’ai pas toujours envie de sexualité et que ça ne veut rien dire sur mon amour pour lui/elle."
« Cela fait déjà 3 semaines qu’on n’a rien fait, il faut que je m’y mette. »

À terme, les tensions s'accumulent et peuvent mener à des disputes. La sexualité est de moins en moins satisfaisante pour les deux partenaires.


Petit point d’attention : dans de nombreux cas de couples dans le schéma envahissant, la personne qui a le plus de désir ne souhaite pas mettre une pression à la sexualité sur son ou sa partenaire. Le sentiment de “devoir” de la sexualité à l’autre peut naître à cause de messages culturels, d’une difficulté à dire “non”, d’une frustration sexuelle difficile à gérer, d’un manque de communication ou tout simplement d’incompréhensions. On peut tout à fait se retrouver dans ce schéma alors que les deux membres du couple valorisent le consentement et souhaitent y faire attention.


Les couples chaotiques :


Ces couples oscillent entre un schéma distant et un schéma envahissant :

  • La personne qui a le plus de désir insiste (schéma envahissant).

  • À force de se sentir sous pression, la personne qui a le moins de désir coupe l’intimité. La personne qui a le plus de désir peut aussi arrêter d’exprimer ses envies par peur du rejet (schéma distant).

  • Au bout d’un moment, la frustration est trop grande, et la personne qui a le plus de désir se met à nouveau à insister pour un rapport sexuel (schéma envahissant), etc.

Ces couples combinent la perte d’intimité des couples distants, avec la sensation de pression à la sexualité des couples qui se trouvent dans le schéma envahissant. Ce sont généralement les couples qui souffrent le plus de cette situation, car une forte instabilité s'installe.


Retrouver l’équilibre :


Comment revenir à un point d’équilibre lorsqu’on est coincés dans un schéma distant, envahissant ou chaotique ?

  • Se battre contre le schéma, et pas contre son/sa partenaire. La première erreur que je vois régulièrement, c’est de considérer que la seule solution pour aller mieux, c’est que son/sa partenaire change (qu’il/elle “réveille sa libido”, “arrête d’avoir envie de sexe tout le temps”, etc.). Or cette attitude est presque toujours contre-productive car elle va augmenter les peurs et insécurités de l'autre, renforçant ainsi le schéma. Une bonne manière de faire face à cela et de voir le schéma (et non pas l’autre) comme l’ennemi, et de chercher tous les comportements que NOUS faisons qui participent à le renforcer.

  • Comprendre ce qui se joue émotionnellement : une meilleure connaissance de ce qui se passe en soi permet de prendre le recul nécessaire pour aborder la situation avec plus de délicatesse. On retrouve souvent une peur du rejet ou de l’abandon chez la personne qui a le plus de désir ; et parfois une crainte de l’intimité et de la proximité chez la personne qui en a moins.

  • Continuer à communiquer : certains couples coupent la communication sexuelle en se disant que cela évitera que la personne qui a le moins envie ressente une pression à avoir de la sexualité. Or, dans la réalité, les désirs et frustrations qui ne sont pas exprimés ont tendance à s’accumuler, et à créer encore plus de tensions par la suite. L’idéal est donc de remettre un dialogue régulier sur la sujet de la sexualité, et d’apprendre à exprimer ses désirs et ses envies sans les imposer.

  • Respecter les limites : se forcer à avoir du sexe n’a jamais relancé la libido de qui que ce soit. Plus on a de sexualité pas ou peu désirée, plus on associe la sexualité à une corvée… Et moins on en a envie sur le long terme. À l’inverse, lorsqu’on sait que toutes nos limites seront accueillies avec respect, on se sent généralement plus libre d’explorer tous les actes qui nous font envie.

  • Favoriser l’intimité : vivre une période sans sexualité ne doit pas signifier l’arrêt de la sensualité, du contact physique et des moments de qualité. La sexualité et le désir se nourrissent d’un bon niveau d’intimité et d’un sentiment de proximité avec son/sa partenaire.

  • Pour la personne qui a moins de désir : comprendre l’origine de la baisse de libido. Une baisse de désir peut avoir des origines très variées (hormonales, psychologiques, relationnelles, contextuelles…). Une fois la cause identifiée, on peut mettre en place des actions pour créer un contexte plus favorable à la naissance du désir.

  • Pour la personne qui a le plus de désir sexuel : apprendre à vivre sa frustration sexuelle sainement. Il existe des solutions pour mieux la gérer, notamment par le sport, des techniques de méditation ou de relaxation, la masturbation... Mais il est aussi indispensable de comprendre que cette frustration n'est généralement pas que physiologique : elle se mêle le plus souvent à des peurs d'ordre émotionnelles.

  • Repenser nos scripts sexuels : le désir ne peut naître que si les deux partenaires se sentent satisfait de la façon de faire l'amour ensemble. Avoir une discussion à coeur ouvert sur nos envies, nos besoins et nos limites est souvent indispensable.


Conclusion :


Dans ma consultation en sexologie, je remarque très souvent à quel point le décalage de libido est bien plus qu’une difficulté individuelle. À l’exclusion des couples du schéma “équilibré”, le décalage de libido est une situation dans laquelle les deux membres du couple sont en souffrance. En comprenant mieux dans quel schéma on se situe, on peut commencer à prendre plus de recul sur la situation pour l’aborder sous un nouveau jour, et la vivre de façon plus apaisée.


D’où ça vient :


Les schémas de décalage de désir est un outil utilisé en sexologie que j’ai découvert dans un webinaire à destination des sexologues et sexothérapeutes animé par Camille Bataillon.

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